Paris, ses murailles grises, ses ruelles plus grises encore et son ciel d'un bleu quasi incongru, quoique des nuages point discrets pointent à l'horizon; un camaïeu de tonalités à concourir avec le regard de la Brindille qui l'a jadis devancée en ces lieux.
Comme pour rappeler que le meilleur des camouflages est l'art de se montrer au grand jour, un nuage de poussière grisâtre, en cette journée estivale dépourvue de pluie, laisse apparaitre un destrier à la robe d'encre. Approchons-nous de l'équipage lancé à bride abattue sur la route poussiéreuse et semée d'ornières, que le lipizzan évite avec adresse. Sous la souillure du voyage, la bête garde l'altière allure de ses frères immaculés, sa silhouette semble presque trop frêle pour supporter le géant bardé d'acier qui le conduit d'une main experte; pourtant il file comme un boulet de couleuvrine sur les chemins, indifférent aux irrégularités.
Juché sur une selle de cuir cordouan, un guerrier en armure damasquinée secoue les rênes d'une main impatiente. Le noir de l'acier, pour le moins inhabituel, semble ne faire qu'un avec les muscles de la monture, tel un centaure des temps modernes issu d'une eau-forte de Dürer. Détail singulier, un heaume couleur de sang couronne la silhouette du guerrier, sa visière évoquant la gueule formidable d'un dragon.
La route s'achève enfin, le destrier s'arrête devant une porte fortifiée, écumant et soufflant, tandis que son cavalier descend d'un bond souple malgré son gabarit peu commun. Il s'attarde un court instant, envahi d'une nostalgie soudaine, avant d'avancer d'un pas résolu, tenant sa monture par la bride. Arrivé devant le garde assoupi, il l'apostrophe d'une voix de stentor.
Bonjour soldat, fais-moi annoncer icelieu. Je suis Tommaso di Monteroni, le nouveau capitaine royal du Maine, le Connétable m'a fait mander.